Deux approches de la gestion des ressources
De nombreux chercheurs s'intéressent à la gestion
des ressources naturelles. Nous citons ici deux groupes qui se sont
structurés autour de deux associations de recherches, l'International
Society of Ecological Economics (Isee) et l'International Association for the
Study of Common Property (Iascp). La première s'est orientée vers
la recherche d'une formalisation intégratrice du système
écologique dans la pensée économique. Quant à la
seconde, elle s'intéresse à la gestion des biens communs, et plus
particulièrement des ressources naturelles renouvelables.
Les approches économiques
L'économie des ressources naturelles et de l'environnement
propose un ensemble de théories et de concepts producteurs d'outils
de suivi, d'analyse, d'évaluation et de régulation (Dales,
1968 ; Arrow et Fisher, 1974 ; Bromley, 1991). En particulier, l'économie
va fournir une modélisation de l'exploitation des ressources renouvelables
destinée à en contrôler la soutenabilité grâce
à l'emploi d'instruments de gestion comme les taxes, les quotas,
les licences et permis, les subventions, les normes, les droits de propriété,
les marchés de droits.
Par ailleurs, l'économie de
l'environnement s'appuie sur une représentation circulaire de
l'interaction homme-nature. L'environnement offre des services
évaluables à la société, en retour les hommes
transforment l'environnement, ce qui, en contraignant les décisions
d'autres agents, constitue une externalité. Des politiques et outils de
gestion appropriés permettent d'inciter à un usage efficient des
services naturels et à la compensation des externalités.
Tant pour les services que pour les
externalités, l'économie propose des méthodes pour une
évaluation monétaire et donne ainsi des éléments
pour un arbitrage entre différents usages possibles d'un
écosystème, voire d'un paysage. De nombreuses critiques ayant
été formulées dans l'emploi normatif de ces
méthodes, celles-ci sont aujourd'hui présentées dans une
logique de négociation entre les acteurs, faisant appel à leur
pouvoir d'explicitation des représentations.
Une des critiques de l'approche économique
concerne la dimension temporelle, peu prise en compte dans une pensée
qui se donne pour objectif la définition d'un équilibre entre
ressources et société.
L'approche " ecological economics " a ajouté
à ce cadre d'analyse le concept de co-adaptation entre la sphère
naturelle et la sphère sociale. De plus, les dynamiques sont
différentes d'un enchaînement de situations d'équilibre.
Les modélisations systémiques qui représentent la
dynamique à travers des relations stocks-flux ont été
très utilisées (Clark, 1990).
Les ressources en propriété commune
La création d'une association internationale pour
l'étude de la propriété commune (Iascp) a eu lieu dans la
deuxième moitié des années 80. Il faut cependant en
trouver les origines bien avant. Sans mobiliser l'histoire de la pensée
économique qui est pourtant sous-jacente au débat, la publication
en 1968 de la théorie de la tragédie des communs, par G.
Hardin, est considérée comme un acte fondateur. En effet,
l'auteur exprime une pensée selon laquelle une ressource commune soumise
à des agents économiques rationnels est condamnée à
la disparition par sur-exploitation. Le problème étant ainsi
posé, les solutions qui en résultent sont la privatisation ou la
mise en place d'une autorité centrale chargée de gérer
l'accès aux ressources, c'est à dire de le contrôler en
utilisant à cet effet des outils de gestion économique ou
administrative.
Les critiques les plus importantes de l'article de Hardin ont mis
en évidence que la tragédie n'est pas due au caractère
commun des ressources mais plutôt à leur accès libre.
Les exemples sont nombreux pour illustrer qu'une ressource commune peut
être l'objet d'une gestion durable par la communauté.
S'opposant au courant de pensée de Hardin sur l'impossibilité
d'une action collective, de nombreux auteurs tels Ostrom (1990; 1999),
Berkes et al (1989), Stevenson (1991) ont présenté les fondements
d'une approche institutionnaliste qui met l'accent sur les mécanismes
de régulation, formels ou informels, qui gouvernent la viabilité
des écosystèmes. Gouverner fait référence
aux représentations des acteurs et se fonde sur un principe de
négociation.
Constatant le manque d'opérationnalité d'une
approche locale en raison de l'interférence avec des acteurs
extérieurs ou de contraintes provenant d'échelles
différentes, l'évolution actuelle de la recherche tend vers le
concept de co-management (McCay et Jones, 1997). Mais si le
co-management a pu être abordé dans le cas d'usagers utilisant la
même ressource pour le même but (par exemple pêcheurs,
membres d'une association de bassins versants), l'enjeu en est maintenant
l'extension à des ressources à usages multiples, qui impliquent
d'autres formes d'arbitrage et de décision collective.
Références
Arrow K.J. et Fisher A. 1974. Environmental Preservation,
Uncertainty, and Irresversibility. Quaterly Journal of Economics, 88:
312-319.
Berkes F., Feeny D., McCay B.J. et Acheson J.M. 1989. The benefits
of the commons. Nature, 340: 91-93
Bromley D.W. 1991. Environment and Economy, Property Rights and
Public Policy. Blackwell, Cambridge.
Clark C.W. 1990. Mathematical Bioeconomics; The Optimal Management
of Renewable Resources. John Wiley & Sons Inc., New York.
Dales J.H. 1968. Pollution, Property and Prices, An Essay in
Policy Making and Economics. University of Toronto Press, Toronto.
Hardin G. 1968. The tragedy of the commons. Science 162 :
1243-1248
McCay B.J. et Jones B. 1997. Proceedings of the Workshop on Future
Directions for Common Property Theory and Research. Ecopolicy Center for
Agricultural, Environmental and Resource Issues, New Jersey.
Ostrom E. 1990. Governing the Commons. Cambridge University Press, Cambridge.
Ostrom, E. 1999. Coping with tragedies of the commons. American Review
of Political Science, 2: 493-535.
Stevenson G.G. 1991. Common Property Economics. A General Theory
and Land Use Applications. Cambridge University Press, Cambridge
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